TLDR : nous souhaitons voir disparaitre les panneaux stop sur les pistes cyclables. On a rédigé un article et créé un sondage pour avoir votre avis.
->Je suis pressé, je réponds directement au sondage (~2min)
Commençons par le commencement, notre très cher Code de la Route. Dans son Article R415-14, il stipule :
Il précise d’ailleurs au R415-3 à propos d’un conducteur ou d’une conductrice souhaitant tourner à gauche ou à droite :
“Il doit céder le passage aux véhicules venant en sens inverse sur la chaussée qu’il s’apprête à quitter ainsi qu’aux engins de déplacement personnel motorisés, aux cycles et cyclomoteurs circulant dans les deux sens sur les pistes cyclables qui traversent la chaussée sur laquelle il va s’engager.”
Voilà la théorie. Mais en pratique, sur les routes maralpines, la situation est plus souvent celle-ci
Qu’en est-il du régime de priorité à cette intersection, selon le mode de transport utilisé:
- je suis en voiture : j’ai la priorité;
- je suis à pied: j’ai la priorité;
- je suis à vélo : je n’ai pas la priorité et – de surcroit – je suis tenu de m’arrêter, même s’il n’y a personne à l’approche de l’intersection.
Avec 2 stops sur une distance de moins de 100 mètres, vous aurez aisément deviné, chers lecteurices, que peu de cyclistes marquent réellement l’arrêt à ces intersections – c’est un euphémisme. Les plus agiles utilisent le bien connu “mode super piéton”, en sautant de leur monture à l’approche de l’intersection pour la franchir de manière prioritaire avant de re-sauter en selle. La manœuvre, plus sure, existe aussi en marchant.
Autre situation, ici, avec la priorité donnée à un accès à un espace privé, un parking, en imposant l’arrêt à tou.te.s les cyclistes qui passent, tout le temps.
Cette situation n’est cependant pas propre à notre métropole, nos voisin.e.s de la CASA ayant les mêmes difficultés, dont voici quelques morceaux choisis :
Ce que nous souhaitons voir changer
Vous l’aurez compris, en tant qu’association représentant les usag.er.ère.s, cette situation provoque un certain agacement parmi nos adhérent.e.s et sympathisant.e.s. Dans chacune de ces situations, la piste cyclable était prioritaire. Mais l’aménageur a choisi de retirer cette priorité de la pire des manières : en imposant l’arrêt systématique avec un panneau STOP.
Cette mauvaise habitude d’aménagement, en plus d’être contraire aux bonnes pratiques [cf. CEREMA] est délétère pour la cyclabilité des itinéraires pour plusieurs raisons.
- Elle complexifie la lecture de l’intersection, le même flux ayant des priorités différentes selon l’usager concerné (piéton, cycliste, motorisé). Or, la prédictibilité des comportements et la simplicité de lecture de la voirie sont des éléments de sécurité importants. [cahier du CEREMA p32]
- Elle augmente l’exposition au danger pour les cyclistes : avec une faible capacité d’accélération, les cyclistes qui respectent la règle restent sensiblement plus longtemps exposés au danger au milieu de l’intersection, sans inciter les automobilistes à faire attention. Une illustration dans cette vidéo sur le sujet.
- Elle réduit la cyclabilité : chaque arrêt équivaut à 75 à 100m de distance supplémentaire [cahier du CEREMA p33], ce qui revient à allonger artificiellement le trajet des cyclistes. Par exemple, sur la traversée de Saint-Laurent-du-Var : il y a 6 intersections avec STOP entre l’office du Tourisme et le Pont Napoléon III, sur une distance de 1700m. L’arrêt à chaque panneau augmente l’effort équivalent de 1/3 en portant la distance équivalente à 2300m : ce type d’aménagement n’incite pas les personnes qui ont le choix à adopter le vélo comme mode de transport, bien au contraire.
- Elle déresponsabilise – au sens juridique du terme – les automobilistes abordant l’intersection. Les cyclistes renversé.e.s auront à payer les pots cassés en plus d’être les plus exposé.e.s aux blessures.
- Elle n’est pas réaliste : personne ne respecte cette signalisation. Presque aucun.e cycliste ne marque l’arrêt et, souvent, les automobilistes ont la courtoisie de céder la priorité – c’est d’ailleurs mis en évidence dans cette expérimentation du CEREMA et de la ville de Nantes. D’autres, plus pragmatiques, ont considéré que cette signalisation inadaptée devait être abandonnée dans pareille situation.
Que réclamons-nous? C’est simple “retourner les stops”. Autrement dit, donner la priorité aux axes cyclables :
- aux intersections sur les axes cyclables à haut niveau de service;
- sur les intersections croisant un axe non prioritaire (cf. CEREMA);
- sur toutes les traversées longeant un passage piéton, plus simple à comprendre pour tous les usages.
C’est une première étape simple et peu couteuse d’améliorer la cyclabilité, en particulier sur l’eurovélo 8, en attendant une requalification plus qualitative de ces accès pour les rendre plus favorables au vélo.
Oui mais
“Avec les stops, les cyclistes font plus attention. Si on les enlève ils et elles vont s’engager sans regarder. »
Cet argument, souvent apporté en première intuition, est cependant contesté par l’etude du CEREMA citée plus haut. Sa conclusion est que “Le fait de donner la priorité aux cyclistes ne semble pas inciter les cyclistes à baisser leur attention”.
En prenant le temps d’y réfléchir un instant, ceci est tout à fait naturel, moyennant le postulat que les personnes à vélo sont les mêmes qu’à pied ou à moto. A ces mêmes intersections, personne n’argue que piétons ou motard.e.s sont inconscient.e.s et se jettent sans regarder sous les roues des véhicules car ils sont prioritaires. Il en va simplement de même pour les cyclistes, qui n’ont pas plus envie que les autres de finir dans un brancard.
“Les automobilistes ne respecteront pas la priorité de toute façon.”
Les arguments sont ici très semblables. Tout d’abord, dans son étude, le CEREMA remarque que même en l’absence de signalisation “une large majorité d’automobilistes laisse passer les cyclistes en premier.”. Malgré les stops actuels, une partie des automobilistes a d’ailleurs la courtoisie de céder le passage aux cyclistes. Ensuite, la comparaison avec les passages piétons est également pertinente : bien que la possibilité existe que les piétons subissent un refus de priorité, celle-ci ne leur est pas retirée pour autant!
Raisonner en disant “on donne la priorité au trafic motorisé, car de toute façon, les gens ne respectent pas les piétons et les cyclistes”, c’est infantiliser les gens, et c’est surtout punir les victimes plutôt que les coupables.
Et vous, qu’en pensez vous ?
Nous avons beaucoup écrit, c’est maintenant votre tour de vous exprimer ! Répondez à ce questionnaire si vous souhaitez donner votre avis sur le sujet.
Lien vers le questionnaire (durée ~2min)
Références
Article R415-14 du code de la route
Pour l’application de toutes les règles de priorité, une piste cyclable est considérée comme une voie de la chaussée principale qu’elle longe, sauf dispositions différentes prises par l’autorité investie du pouvoir de police.
Un article sur un exemple de ce type de revendication au Canada :
https://www.ledevoir.com/societe/transports-urbanisme/500997/cyclisme-une-signalisation-infructueuse
Une expérimentation du CEREMA sur les régimes de priorité aux intersection route/piste cyclable
https://www.cerema.fr/fr/actualites/intersections-entre-piste-cyclable-voirie-urbaine-quel
Les recommandations du CEREMA pour réussir une piste cyclable, section 8
Cahier du CEREMA “Rendre sa voirie cyclable”
https://www.cerema.fr/fr/centre-ressources/boutique/rendre-sa-voirie-cyclable
Du point de vue de l’effort physique, le redémarrage d’un cycliste lui coûte autant que de rouler sur une distance de 75 à 100 m. Il est donc primordial de limiter les situations nécessitant son arrêt en privilégiant dès que possible la priorité de l’aménagement cyclable aux intersections. Ainsi, les pistes cyclables du réseau cyclable à haut niveau de service seront généralement prioritaires sur le trafic sécant.
« Stop signs suck and we should get rid of them »
Retour de ping : Zoom sur le double-sens cyclable – Nice à Vélo