compromis • nom masculin (latin compromissum)
1. Action qui implique des concessions réciproques ; transaction : La vie en société nécessite des compromis.
Dictionnaire Larousse de la Langue Française
En lisant le titre de l’article publié aujourd’hui dans Nice Matin, nous avons eu l’impression de rêver : « Il faut trouver un compromis ». Nous l’avons lu, relu … à peine pouvions-nous y croire.
Nous nous sommes dit : « C’est incroyable ! Enfin, nous pourrons aborder sérieusement le sujet ! » Jusqu’à présent, la perspective d’un compromis nous semblait toujours fermée.
On peut lire dans l’article :
“Notre comité est favorable à la mise en place de pistes cyclables quoiqu’en disent certaines autres associations qui nous accusent à tort d’y être opposés”.
Nous n’en croyons pas nos yeux ! Nous nous disons : “C’est fait ! Le comité de quartier veut une piste cyclable ! ”
Mais l’illusion fut bien trop courte, car en continuant à lire, un doute s’installe :
“Toutefois, nous savons qu’il n’y a pas d’autre solution que de trouver un compromis »
« En effet, il n’est pas question d’en créer (ndlr: “une piste cyclable”) au détriment du stationnement, assure Franck Martin. Si on positionne une piste cyclable sur le boulevard de Cimiez cela impliquerait de neutraliser soixante-dix-huit places. C’est impossible parce qu’il n’y a pas de poches de stationnement de report étant donné que les rues adjacentes sont déjà saturées. »
C’est à ce moment que nous réalisons que les personnes interviewées n’utilisent pas vraiment le bon vocabulaire. Tout d’abord, il est essentiel de rappeler ce que veut dire le mot « compromis » : une action qui implique des concessions réciproques. Ensuite, il faut clarifier la différence entre une bande et une piste cyclable. Pour certains, cela peut sembler anodin, mais les mots ont leur importance ici. Parler d’une bande ou d’une piste cyclable fait toute la différence entre une politique de “bikewashing” qui favorise l’immobilisme, et une véritable volonté politique de faire évoluer les choses en faveur des mobilités actives. Cette différence est également cruciale pour les usagers, car l’une permet réellement de garantir leur sécurité, tandis que l’autre non.
Quelle est la différence entre une bande et une piste cyclable ?
Une bande cyclable est une zone sur la chaussée, généralement marquée par une ligne blanche, réservée aux cyclistes. Elle est souvent séparée de la voie des véhicules motorisés par une ligne discontinue. En revanche, une piste cyclable est une voie entièrement dédiée aux cyclistes, séparée de la chaussée principale, souvent par un espace physique tel qu’un trottoir surélevé ou une bordure.
Un peu de contexte
Il est par ailleurs nécessaire de rappeler le contexte de ce « quartier chic ». Une piste cyclable était prévue dans le plan vélo métropolitain sur la totalité du Boulevard de Cimiez dès 2022. Cependant, il est clair que, comme pour l’ensemble du Plan Vélo Métropolitain, les retards cumulés sont conséquents. Aujourd’hui il n’y a plus guère d’espoir d’atteindre son objectif principal, c’est-à-dire 10 % de part modale vélo dans les déplacements d’ici 2026. Pour autant, chaque pourcent compte, et seuls des projets ambitieux permettront de “limiter la casse”. À toutes fins utiles, rappelons également que la Loi d’Orientation des Mobilités prévoit 9 % pour 2024.
Il convient de rappeler que ce comité de quartier, présidé par une ancienne adhérente de Nice à Vélo, avait été approché par notre association pour faire progresser le sujet du vélo, et que cette collaboration a donné naissance au collectif “Cimiez à Vélo”.
Ce collectif, initialement composé d’adhérents du comité de quartier, compte aujourd’hui une centaine de membres, mais est devenu « persona non grata » après avoir dénoncé l’immobilisme de celles et ceux qui dictent la loi dans ce quartier. Les membres du collectif « Cimiez à Vélo » organisent d’ailleurs une vélorution le vendredi 26 avril prochain pour demander une politique cyclable ambitieuse pour leur quartier.
Pourquoi une piste cyclable ?
Notre association ne militera jamais pour le « tout-vélo », contrairement à ce que certaines et certains pourraient penser. Nous adoptons en réalité une approche rationnelle et réaliste, conscients que la présence de pistes cyclables n’est pas nécessaire partout et que le vélo n’est pas une alternative viable pour l’ensemble de la population. Chacune de nos demandes prend en compte le contexte et la réalité du terrain et est partagée avec les comités de quartiers souhaitant faire évoluer les choses.
Aujourd’hui, le boulevard de Cimiez est très peu fréquenté par les cyclistes. Alors, pourquoi ces idées farfelues ? Ce que l’on omet, c’est que le faible nombre de cyclistes est largement dû au danger constant qu’elles et ils encourent. Ce constat est valable pour tout le territoire, mais surtout lorsque le parcours présente des dénivelés et que les différences de vitesse avec les véhicules motorisés sont importantes. Quand nous demandons des aménagements cyclables sécurisés, nous ne le faisons pas pour les cyclistes d’aujourd’hui, mais pour celles et ceux qui n’osent pas faire du vélo par peur du partage de la voie avec les véhicules motorisés.
Est-il juste que pour seulement 78 emplacements de stationnement, insignifiants en comparaison aux milliers d’habitants de ce quartier, la sécurité des usagers du vélo soit compromise ? C’était peut-être ça le compromis dont les interviewés parlent ?
Place prise par la voiture sur le boulevard de Cimiez : 4 voies de circulation et 2 voies de stationnement.
Quel compromis ?
Il nous semble pourtant évident que le compromis évoqué n’en soit pas un. Quelle serait donc la concession réciproque ? Il paraît, au contraire, que la volonté affichée soit celle de ne surtout rien changer au statu quo. On nous répète sans cesse que l’objectif est de réduire la place de la voiture afin de diminuer les nuisances directes et indirectes, mais on ne peut pas réduire sa place sans diminuer l’espace qui lui est dédié. C’est pourtant logique, non ?
Notre association, qui reste ouverte au dialogue et à la concertation pour trouver un VRAI compromis, s’oppose à la mise en place d’une simple bande cyclable sur ce boulevard, connu pour les excès de vitesse et les accidents. Certes, la mise en place d’une bande cyclable serait préférable à rien, sous réserve qu’elle soit réalisée selon les préconisations1 du CEREMA (Centre d’Expertises et de Recherches sur les Risques, l’Environnement, la Mobilité et l’Aménagement). Néanmoins, nous ne pouvons ni qualifier cela de compromis, ni nous en satisfaire.
Compte tenu du nombre de véhicules motorisés empruntant le boulevard dans les deux sens et de la vitesse réellement pratiquée, le CEREMA, auquel la Ville de Nice vient d’adhérer2, préconise la mise en place d’une PISTE cyclable et non d’une bande3.
Source : Annexe 3_Recommandations techniques du CEREMA (https://www.ecologique-solidaire.gouv.fr/sites/default/files/Annexe%203%20%20Recommandations%20techniques%20du%20CEREMA.pdf)
Plusieurs solutions sont envisageables, mais toutes nécessitent de véritables compromis de la part de celles et ceux qui règnent sans partage sur l’espace public. Dans un quartier où certains estiment avoir le droit de stationner sur les trottoirs, entravant ainsi la circulation des piétons, en particulier des personnes à mobilité réduite, des enfants ou des parents avec poussette, il est évident que nous partons de très loin.
Une proposition pour rééquilibrer l’espace public tout en augmentant le nombre potentiel de personnes pouvant se déplacer sur cet axe par heure
Il ne suffit pas de souligner que probablement une bonne partie de ces stationnements sont occupés par des voitures ventouses, et que la mise en place du stationnement payant résoudrait en grande partie ce problème. Il est également important de noter que la moitié des Français effectuent des trajets de moins de 5 km en voiture, et que 9 voitures sur 10 sont occupées par une seule personne.
Malgré ces faits, il est évident que la Ville de Nice et la majorité de ses élues et élus continuent à soutenir ce mode de vie néfaste et dangereux pour l’ensemble de la population. Certes, les usagères et les usagers du vélo d’aujourd’hui ne représentent qu’une minorité, mais il est tout aussi vrai que favoriser les alternatives à la voiture aura des conséquences positives pour l’ensemble de nos concitoyennes et nos concitoyens.
1. Largeur d’1m50 (minimum, hors marquage) et espace tampon de 50 cm de la file de stationnement, recommandé uniquement pour les voies ou le trafic motorisé ne dépasse pas 6 000 véhicules par jour (dans les deux sens)
2.https://www.nice24.fr/politique/ville-de-nice-factuel/nice-adhere-au-centre-dexpertises-et-de-recherches-sur-les-risques-lenvironnement-la-mobilite-et-lamenagement-le-cerema/
3. https://www.cerema.fr/fr/actualites/velos-voitures-separation-ou-mixite-cles-choisir