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Une autoroute urbaine temporairement rendue aux cyclistes : retour sur l’événement de la Voie Mathis

Ce samedi 30 novembre, Nice a vécu une expérience inédite et unique : une portion d’environ 3 kilomètres de la Voie Pierre Mathis, entre Magnan et le tunnel Malraux, a été entièrement fermée aux voitures et ouverte aux vélos. Pendant plus de deux heures, plus d’un millier de cyclistes, de tout âge et de tout niveau, se sont appropriés cet espace normalement réservé aux voitures.

Les participants ont pu profiter de vues incroyables sur la ville, souvent inaccessibles aux automobilistes. L’avenue Jean Médecin décorée pour Noël, les perspectives urbaines dégagées depuis l’altitude de la voie Mathis : autant de paysages sublimés par la lenteur et l’ouverture qu’offre le vélo.

Nice à Vélo félicite la Ville de Nice et la Métropole Nice Côte d’Azur pour cette initiative, et espère que ce genre d’événement se répétera à l’avenir pour promouvoir les mobilités actives et une ville plus apaisée.

Une expérience collective et humaine

Ce qui a rendu cet événement si unique, c’est son aspect profondément collectif et partagé. Rouler sur la voie Mathis avec plus d’un millier d’autres cyclistes, c’était bien plus qu’une simple balade : c’était faire partie d’une foule unie par un objectif commun, celui de s’approprier l’espace public autrement. En se rassemblant sur une autoroute urbaine, les participants ont montré que le vélo n’est pas seulement un moyen de transport, mais aussi un outil de lien social et d’émancipation. Ce moment éphémère a permis de redécouvrir la force du collectif et l’importance de « faire masse » pour affirmer la place des mobilités actives dans notre quotidien.

Probablement pour la première fois dans l’histoire récente de Nice, autant de cyclistes étaient réunis en dehors d’un événement sportif. Mais cette fois, il ne s’agissait pas de professionnels ou d’amateurs aguerris, mais de cyclistes de tous âges et niveaux. On y retrouvait des familles avec enfants, des jeunes, des seniors, des passionnés de freestyle, des cyclosportifs, des sportifs du dimanche et même des curieux sans vélo qui avaient pris un vélo en libre-service pour participer. Cette diversité démontre que, lorsque la Métropole et les médias s’investissent pour promouvoir le vélo comme pratique accessible à tous, les résultats sont incroyablement positifs. L’engouement suscité par cet événement montre à quel point les Niçois, lorsqu’on leur en donne l’occasion, sont prêts à enfourcher leur vélo et à imaginer une ville plus ouverte aux mobilités actives.

Un symbole fort et une expérience inédite

Si certains se demandent quel intérêt il peut y avoir à rouler sur une voie rapide, cet événement démontre qu’il s’agit de bien plus qu’une simple balade à vélo. Une voie rapide comme la voie Pierre Mathis n’est pas adaptée à un usage quotidien pour les cyclistes – elle est conçue pour les véhicules motorisés et ne comporte ni destinations (commerces, écoles, lieux de travail), ni accès réguliers. Mais lorsqu’elle est rendue temporairement aux personnes, elle devient un lieu insolite de loisir et de sport, un espace pour des expériences uniques.

Au-delà du plaisir de pédaler en toute sécurité sur cette voie, l’événement véhicule un message symbolique fort : celui de rééquilibrer l’espace public entre les différents usagers de la route. À une époque où la sécurité routière est un enjeu majeur pour les cyclistes, cette inversion de rôles éphémère (voir des vélos envahir un espace réservé aux véhicules motorisés) est un puissant rappel de la nécessité de repenser la place de la voiture en ville.

Une inspiration pour de futurs événements

Pour maximiser l’impact d’une telle initiative, l’intégration d’autres usagers (piétons, rollers, skates) pourrait enrichir l’expérience dans une prochaine édition. C’est également une opportunité de sensibiliser à l’apaisement urbain et de rappeler que rendre ponctuellement les routes aux mobilités actives a des retombées positives pour les riverains, notamment en réduisant les nuisances sonores et les vibrations des véhicules motorisés.

Nice pourrait s’inspirer d’expériences similaires dans d’autres villes, où des fermetures régulières de grandes infrastructures à la circulation automobile ont permis de transformer durablement le tissu urbain, tant sur le plan culturel que social.


Encadré : Le Minhocão de São Paulo, un modèle d’apaisement urbain

Dans la métropole brésilienne de São Paulo, l’autoroute urbaine élevée surnommée le « Minhocão » (le « long ver ») est devenue un espace emblématique de loisirs et de dynamisme culturel. Fermée aux voitures les soirs de semaine et le week-end depuis 2015, cette voie rapide de 3,4 km est désormais un lieu où les habitants viennent marcher, faire du vélo, patiner ou même participer à des activités artistiques.

Un impact culturel et social majeur

Grâce à l’appropriation du Minhocão comme espace de loisirs, le quartier de Santa Cecília a vu sa dynamique transformée. Artistes de rue, expositions temporaires et événements en plein air se succèdent, créant une ambiance vibrante et accueillante. Chaque week-end, cette autoroute devient un lieu de rencontres et d’interactions humaines, stimulant une identité urbaine unique.

Un levier de revitalisation économique

Cette valorisation culturelle a également eu des retombées sur le marché immobilier et les commerces locaux. Cafés, restaurants et boutiques ont fleuri autour du Minhocão, attirant des habitants en quête d’un quartier vivant et dynamique. Santa Cecília est aujourd’hui un modèle d’apaisement urbain, prouvant que la réinvention des espaces dédiés aux voitures peut bénéficier à toute la communauté.


En conclusion, l’événement de la Voie Mathis n’est pas seulement un moment festif pour les cyclistes, mais une invitation à imaginer d’autres usages pour nos infrastructures urbaines. Une ville plus apaisée, c’est une ville où chacun trouve sa place, à son rythme. À Nice, comme à São Paulo, les exemples montrent que cette transition est possible, si nous avons l’audace de la tenter.