Aller au contenu

Zoom sur le double-sens cyclable

Aujourd’hui nous vous proposons de faire le point sur les double-sens cyclables à Nice et dans sa Métropole. Nous verrons que cet outil simple et peu coûteux à mettre en place gagnerait à être davantage exploité !

Le double-sens cyclable, qu’est-ce que c’est ?

Pour commencer, qu’est-ce qu’un double-sens cyclable (DSC) ? Il s’agit simplement d’un nom utilisé pour qualifier une rue à sens unique pour les véhicules motorisés, qui peut être empruntée dans les deux sens de circulation par les cyclistes et conduct.eurs.rices d’EPDM. Ce double-sens est théoriquement donné  par le code de la route depuis 2008 dans les zones 30 (et zones de rencontre) et depuis 2016 sur toutes les chaussées où la limite de vitesse est de 30km/h ou moins : 

zone 30 : […] Toutes les chaussées sont à double sens pour les cyclistes, les conducteurs de cyclomobiles légers et les conducteurs d’engins de déplacement personnel motorisés, sauf dispositions différentes prises par l’autorité investie du pouvoir de police.

zone de rencontre : […]. Toutes les chaussées sont à double-sens pour les cyclistes, sauf dispositions différentes prises par l’autorité investie du pouvoir de police. […]

Article R110-2 du code de la route

Lorsque la vitesse maximale autorisée est inférieure ou égale à 30 km/ h, les chaussées sont à double sens pour les conducteurs d’engins de déplacement personnel motorisés, de cyclomobiles légers et les cyclistes sauf décision contraire de l’autorité investie du pouvoir de police.

Article R412-28-1 du code de la route

Cette possibilité est matérialisée par un panonceau « sauf vélo » sous le panneau de sens interdit, comme illustré ci-dessous.

À quoi ça sert, le double-sens cyclable ?

Principalement, le DSC permet d’éviter aux cyclistes des détours qui allongeraient leur temps de parcours. De ce fait, il contribue à l’attractivité du vélo en favorisant les itinéraires courts et directs. 

Mais limiter les avantages de l’utilisation du DSC à un raccourcissement des trajets serait réducteur. De nombreux arguments existent en sa faveur, et sont listés dans les fiches associées du CEREMA (e.g. Plan d’actions pour les mobilités actives (PAMA), CEREMA)  : 

  • il facilite la navigation à vélo, les trajets aller et retour se faisant par le même itinéraire ;
  • il est confortable pour les cyclistes, en leur évitant d’être suivis (et collés) par un véhicule de plus gros gabarit ;
  • il est sûr et sécurisant pour les cyclistes, les usagers ayant une bonne covisibilité ;
  • en sécurisant et en raccourcissant le trajet des cyclistes, il rend moins tentante la circulation sur le trottoir et réduit les conflits d’usage entre les mobilités actives;
  • il apaise le trafic en obligeant les conducteurs à être vigilants et à ralentir dans les rues à 30 et aux intersections.

Mais, surtout, le DSC est un excellent outil pour développer la cyclabilité d’une ville à peu de frais ! Alors que les grands axes requièrent le plus souvent la création d’un aménagement cyclable dédié pour être utilisables par le plus grand nombre, les quartiers résidentiels, où le trafic est moindre et la vitesse réduite, sont propices à la circulation des cyclistes sur la chaussée.

Enfin, en utilisant la combinaison zone 30 – double-sens cyclable à bon escient, il est à la fois possible de réduire le trafic de transit dans les zones résidentielles et les zones de vie, tout en les intégrant comme mailles fines dans le plan de circulation cyclable de la ville (Cahier du CEREMA « Rendre sa voirie cyclable – les clés de la réussite »., 2021, p15)


L’intérêt du DSC dans un plan de circulation favorable au vélo. Encadré extrait du Cahier du CEREMA « Rendre sa voirie cyclable – les clés de la réussite ».

Super ! Mais à Nice, où sont-ils ?

Voilà la question qui fâche. Aujourd’hui, et malgré 15 ans d’existence avec des très bons retours sur ses apports en termes de sécurité routière (La mise en double sens cyclable – Guide pratique et méthodologique, CEREMA, 2012), le DSC est boudé à Nice et dans sa métropole, voire même dans le département. Il est donc assez probable que vous, chers lecteurs cyclistes des environs, l’ayez peu ou pas rencontré sur votre chemin. Pour vous en convaincre, vous pouvez vous amuser à chercher les quelques-uns existants dans la carte du SIG métropolitain.

Par exemple, aujourd’hui, la mise en DSC de la Rue d’Alsace Lorraine et de ses sécantes faciliterait grandement l’accès aux commerces et habitations du cœur de ville depuis la belle et récente piste cyclable de l’Avenue Durante. De même, les quartiers du Port ou de Riquier gagneraient à être aménagés en DSC. A la Trinité, le Boulevard du Général de Gaulle a récemment été passé en Zone 30 à sens unique sans mettre en place correctement le DSC, obligeant les cyclistes qui remontent vers Drap ou veulent accéder aux commerces à faire un détour pénalisant et dangereux.

Bien qu’il soit mentionné dans le code de la route que certaines voies peuvent être exemptées du double-sens cyclables, ces exceptions ne peuvent faire l’objet d’une décision généralisée, comme c’est pourtant le cas dans l’arrêté municipal 2010-02912 pris à Nice en juillet 2010.  « Dans le cas où l’autorité investie du pouvoir de police décide de pas mettre en place cette possibilité de double-sens, elle doit être en mesure de justifier son choix par des contraintes objectives de sécurité. » (La mise en double sens cyclable – Guide pratique et méthodologique, CEREMA, 2012, p11) rappelle le CEREMA. Ces points ont d’ailleurs été confirmés à plusieurs reprises par la jurisprudence, comme par exemple à Saint-Avold ou au Petit Quevilly (Voir la synthèse dans la FAQ juridique de la FUB, p25).

Le double sens-cyclable est un aménagement consensuel, facile à mettre en œuvre et bénéficiant des retours d’expérience nombreux et positifs à son sujet depuis 15 ans. Compte tenu des récents efforts de la ville de Nice sur le développement des infrastructures cyclables, l’adopter semble maintenant une évidence. Nous sommes convaincus que la ville de Nice va donc bientôt – enfin – emboiter le pas d’autres agglomérations de la métropole, et se mettre en marche pour rattraper son retard à ce sujet.

Oui mais…

Comme toute conversation sur le vélo, l’évocation du DSC donne généralement lieu à une énumération d’arguments éculés, dont les plus communs sont listés ci-dessous.

C’est dangereux ! Il va y avoir des accidents et des chocs frontaux.

FAUX ! « Mis en place depuis longtemps (par exemple ils existent à Strasbourg depuis 1983), ils offrent un recul suffisant pour qu’il soit possible d’apprécier leur efficacité et leur sécurité. » (La mise en double sens cyclable – Guide pratique et méthodologique, CEREMA, 2012 , p10).

De nombreuses études ont été faites sur le sujet, en France ou à l’étranger. Notamment, la situation a été étudiée à Paris, qui a très tôt généralisé cet aménagement.

Paris a créé 185 km de doubles-sens cyclables entre août 2009 et septembre 2010 […] la totalité des procès verbaux d’accidents impliquant au moins un vélo survenus dans les voies à sens unique à l’intérieur des zones 30 a été analysée […] Premier constat : le nombre d’accidents n’augmente pas, il aurait plutôt tendance à diminuer.[…] On a ainsi pu constater l’établissement de nouveaux itinéraires « vélos » structurants, en parallèle des grands axes. Ceci démontre que les usagers cyclistes ayant fait l’expérience de la circulation dans le sens réservé adoptent ces itinéraires. (Doubles-sens cyclables à Paris : une évaluation concluante, CEREMA, 2012)

Toujours au sujet de cette étude « On constate très peu de chocs frontaux. Ceux ci n’ont en outre donné lieu à aucune hospitalisation. » (La mise en double sens cyclable – Guide pratique et méthodologique, CEREMA, 2012 , p10).

Les gens ne sont pas habitués, ça va être la pagaille.

Même implémenté ponctuellement, le double-sens cyclable fonctionne très bien, comme illustré par exemple à Cagnes-sur-Mer. Mais l’idéal reste encore de le généraliser, justement pour habituer toutes les catégories d’usagers à son existence. C’est d’ailleurs dans ce sens que vont les recommandations du CEREMA depuis plus de dix ans : « L’effet de surprise peut exister lorsque la rue en double-sens cyclable est une exception. Il disparaît plus facilement lorsque le double-sens devient la règle générale pour toutes les voiries sur un territoire donné. » (La mise en double sens cyclable – Guide pratique et méthodologique, CEREMA, 2012, p7).

C’est trop étroit dans ma rue.

L’étroitesse d’une rue peut effectivement motiver son exclusion du DSC, en particulier dans la mesure où le trafic y est intense, une autre rue très proche peut être utilisée en substitution, ou cet itinéraire ne présente que peu d’intérêt dans le plan de circulation cyclable. Cependant, cet argument n’est applicable que dans certaines situations, et l’étroitesse d’une rue en elle-même n’est pas un argument suffisant pour l’écarter du DSC. Le CEREMA a par exemple réalisé une étude spécifiquement sur le DSC en rue étroite à Perpignan en 2011 (Fiche 23 – Double-sens cyclable en rues « étroites » à Perpignan, CERTU, 2011) et conclu que « La mesure a été bien acceptée par les riverains et les usagers de façon globale, la mairie n’enregistre pas de plainte particulière sur le sujet. »

Au besoin, le CEREMA avait dès 2012 fourni une table d’aide à la décision dans son guide sur le sujet (La mise en double sens cyclable – Guide pratique et méthodologique, CEREMA, 2012 p21).

Finalement, dans le cas où une rue serait à la fois étroite, en zone 30 et avec un trafic important, il conviendrait de questionner de manière plus global le plan de circulation qui a aboutit à cette situation.

Ici, avec les stationnements, ce n’est pas possible.

Là encore, les retours d’expérience accumulés depuis des années sur le sujet ne montrent pas de contre-indication au DSC en présence de stationnements. Déjà dans son guide de 2012, le CEREMA évoquait le sujet : « Aucun accident consécutif à une ouverture de portière n’est recensé dans le sens réservé aux vélos, bien que de nombreuses rues parisiennes à double-sens cyclable soient pourvues de stationnement à gauche dans le sens de la circulation générale. » (Encadré p10)

Il rappelle par ailleurs p18 : « La présence de stationnement sur voirie est le résultat d’un choix et non une contrainte ; la décision de créer ou maintenir du stationnement en zone 30 ou en zone de rencontre ne peut donc, en règle générale, justifier l’absence de mise à double-sens cyclable d’une rue à sens unique. »

Alors, quel avenir pour le double-sens cyclable à Nice ?

Aujourd’hui, l’association Nice-à-Vélo milite pour que le double-sens cyclable ait enfin la place qu’il devrait avoir dans notre plan de circulation et soit systématiquement appliqué, comme stipulé dans la loi.

Certaines communes environnantes font d’ailleurs figure d’exception comme Cagnes-sur-Mer, qui l’a mis en œuvre avec succès sur une partie de son réseau depuis longtemps (voir illustration ci-dessous) et affiche la volonté d’aller plus loin et de le développer davantage. Nice-à-Vélo félicite donc cet effort et encourage les autres communes de la Métropole à suivre son exemple, au bénéfice de tous les usagers de la route.


L’Avenue Massenet à Cagnes-sur-Mer, une rue à double-sens pour les cycles. L’accès à l’école et aux habitations y est ainsi facilité, tout en proposant un itinéraire sécurisé Est-Ouest en cœur de ville

Dans la même série

Références

Article R110-2 du code de la route

Article R412-28-1 du code de la route

Plan d’actions pour les mobilités actives (PAMA), CEREMA

Cahier du CEREMA « Rendre sa voirie cyclable – les clés de la réussite »., 2021

Doubles-sens cyclables à Paris : une évaluation concluante, CEREMA, 2012

La mise en double sens cyclable – Guide pratique et méthodologique, CEREMA, 2012

Fiche 23 – Double-sens cyclable en rues « étroites » à Perpignan, CERTU, 2011

Fiche CERTU 29 – Démarche de mise à double-sens cyclable, Le cas de Lille Métropole Communauté urbaine, CERTU, 2009

https://www.cerema.fr/fr/actualites/double-sens-cyclable-mode-emploi-film-pedagogique-8-mn

Foire aux questions « Je prépare mon recours » , FUB, 2021

1 commentaire pour “Zoom sur le double-sens cyclable”

Laisser un commentaire